Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/24

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le succès fut contraire à ses vœux, car en fuite s’en alla la gent baptisée, et, avec beaucoup d’autres, le duc fut fait prisonnier, laissant abandonné le pavillon.

Où était demeurée la donzelle qui devait être la récompense du vainqueur. En présence du danger, elle était sautée en selle, et dès qu’il fallut, elle avait tourné les épaules, prévoyant qu’en ce jour la fortune devait être rebelle à la foi chrétienne. Elle entra dans un bois, et, sur le sentier étroit, elle rencontra un chevalier qui s’en venait à pied.

La cuirasse au dos, le casque en tête, l’épée au flanc, l’écu au bras, il courait par la forêt, plus léger que le vilain à demi nu, vers le pallio rouge. La timide pastourelle ne se détourne pas si prestement devant un serpent cruel, qu’Angélique ne fut prompte à tourner bride dès qu’elle aperçut le guerrier qui s’en venait à pied.

Celui-ci était ce vaillant paladin, fils d’Aymon, seigneur de Montauban, auquel peu auparavant son destrier Bayard était, par cas étrange, sorti des mains. Sitôt qu’il eut levé les regards vers la dame, il reconnut, bien que de loin, l’angélïque semblance et le beau visage qui, dans leurs rets amoureux, le tenaient enlacé.

La dame tourne en arrière le palefroi, et, à travers la forêt, le chasse à toute bride. Par les clairières ou les taillis touffus, elle ne cherche pas la plus sûre et la meilleure voie ; mais pâle, tremblante et hors d’elle-même, elle laisse au des-