Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/43

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teur : « Descends, larron, de mon cheval. Je ne puis souffrir que ce qui m’appartient me soit enlevé ; mais je fais de façon qu’à celui qui le convoite, cela coûte cher. Et je veux encore t’enlever cette dame, car il serait grand dommage de te la laisser. Si parfait destrier, dame si digne, à un voleur ne me paraissent point convenir. »

« Tu as menti, en disant que je suis un voleur, répond le Sarrasin, non moins altier. Qui t’appellerait voleur toi-même, autant que j’en appris par la renommée, parlerait avec plus de vérité. On verra tout à l’heure, à l’épreuve, qui de nous deux est le plus digne de la dame et du destrier ; bien que, quant à celle-ci, je convienne avec toi qu’il n’est chose si digne au monde. »

Comme font d’habitude deux chiens hargneux qui, excités par l’envie ou tout autre motif de haine, se joignent en grinçant des dents, les yeux tors et plus rouges que braise, puis en viennent à se mordre, furieux de rage, la gueule horrible et le dos hérissé, ainsi aux épées, avec des cris et des insultes, en viennent le Circassien et le seigneur de Clermont.

À pied est l’un, l’autre à cheval. Or, quel avantage croyez-vous qu’ait le Sarrasin ? Il n’en a, à vrai dire, aucun ; même, dans cette circonstance, il vaut peut-être moins qu’un page inexpérimenté, car le destrier, par instinct naturel, ne voulait pas faire de mal à son maître. Pas plus avec la main qu’avec l’éperon, le Circassien ne peut lui faire faire un pas à sa volonté.