Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/6

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

être égalé. Il s’avance en tête de tous les autres « comme un Sire, » pour employer l’expression si belle et si juste de Dante. Mais si l’auteur de Roland doit s’incliner devant le créateur de l’Iliade et de l’Odyssée, « cette source qui épanche un si large fleuve[1], » il peut marcher de pair avec les plus grands et les meilleurs.

Le Roland furieux est, en effet, un des joyaux de la pensée humaine. Il a l’éclat et la solidité du diamant, comme il en a la pureté et la rare valeur. C’est une de ces œuvres charmantes et fortes qui ont le privilège de traverser les âges sans prendre une ride, toujours plus jeunes, plus éblouissantes de fraîcheur et de vie à mesure que les années s’accumulent sur leur tête. Elles sont immortelles de naissance, ayant reçu dans leur berceau ce don de vérité éternelle que le génie seul possède.

Le sujet en est multiple. Arioste nous le dit lui-même dès le premier vers : Les dames, les chevaliers, les armes, les amours, les courtoisies, les entreprises audacieuses, voilà ce que je chante. Et durant quarante-six chants, qui ne comptent pas moins de quarante mille vers, il poursuit imperturbablement le programme annoncé, sans la moindre fatigue pour lui, et au perpétuel enchantement de ses lecteurs, avec une grâce égale, en vers pleins et faciles, riants comme les campagnes d’Italie, chauds et bril-

  1. Divine comédie, de l’Enfer, chap. In verset 27.