Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/64

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« Avec son corps mort, son esprit vivant y est enfermé, jusqu’à ce qu’il entende le son de l’angélique trompette qui le bannisse du ciel ou l’y admette, selon qu’il sera corbeau ou colombe. Sa parole vit, et tu pourras entendre comme elle sort claire du tombeau de marbre ; car les choses passées et futures, à qui les lui demande, il les révèle toujours.

« Il y a quelque temps que, de pays très éloignés, je suis venue dans ce lieu sépulcral, pour que Merlin me rendît plus clairs les profonds mystères de ma science. Et parce que j’avais le désir de te voir, je suis ensuite restée un mois de plus que je n’en avais l’intention, car Merlin, qui m’a toujours prédit la vérité, avait marqué ce jour pour terme à ton arrivée. »

Muette, étonnée, la fille d’Aymon se tient attentive aux paroles de cette dame ; et elle a le cœur si rempli d’admiration, qu’elle ne sait si elle dort, ou si elle est éveillée. Les yeux baissés et confus, tant elle était modeste, elle répond : « Quel mérite ai-je donc, pour que les prophètes prédisent ma venue ? »

Et, joyeuse de l’insolite aventure, elle suivit sur-le-champ la magicienne qui la conduisit au sépulcre renfermant l’âme et les os de Merlin. Ce monument était en pierre dure, brillante et polie, et rouge comme flamme ; de telle sorte que, bien qu’elle fût privée de soleil, la caverne resplendissait de la lumière qui s’en échappait.

Soit qu’elle fût produite par des marbres qui