Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/78

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combattre en tenant les yeux fermés, comment, dans la bataille, pourras-tu savoir quand il faudra t’esquiver ou frapper ton adversaire ? Mais pour éviter la lumière qui éblouit, et rendre vains les autres enchantements de ce magicien, je te montrerai un moyen, une voie toute prête. Et il n’en est pas d’autre au monde que celle-ci :

« Le roi Agramant d’Afrique a donné à un de ses barons, nommé Brunel, un anneau qui fut dérobé dans l’Inde à une reine. Brunel chemine à peu de milles devant nous. L’anneau est doué d’une vertu telle, que celui qui l’a au doigt possède un remède contre le mal des enchantements. Brunel en sait autant, en fait de ruses et de fourberies, que celui qui détient Roger en sait en fait d’enchantements.

« Ce Brunel, si adroit et si rusé, comme je te dis, est envoyé par son roi afin que, grâce à son génie et avec l’aide de cet anneau dans de tels cas éprouvé, il tire Roger de ce château où il est détenu. Il s’est vanté de réussir, et a promis à son seigneur de lui ramener Roger, qui lui tient plus que tout autre à cœur.

« Mais pour que ton Roger, à toi seule et non au roi Agramant, ait l’obligation d’avoir été délivré de sa prison enchantée, je t’enseignerai le moyen dont tu dois te servir. Tu t’en iras pendant trois jours le long des sables de la mer qui va bientôt se montrer à ta vue. Le troisième jour, dans la même auberge que toi, arrivera celui qui a l’anneau avec lui.