Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/77

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L’audacieuse jeune fille reste là toute la nuit, s’entretenant longuement avec Merlin, qui la persuade d’aller promptement au secours de son Roger. Puis, dès que l’air s’est embrasé d’une splendeur nouvelle, elle abandonne les chambres souterraines, à travers un long chemin obscur et sombre, ayant la magicienne avec elle.

Et elles débouchèrent dans un précipice caché entre des montagnes inaccessibles aux gens ; et tout le jour, sans prendre de repos, elles gravirent les rochers et franchirent les torrents. Pour que la marche fût moins ennuyeuse, elles tenaient de plaisants et beaux raisonnements, et, s’entretenant de ce qui leur était le plus doux, l’âpre chemin leur paraissait moins rude.

De ces entretiens la plus grande partie fut consacrée par la docte magicienne à montrer à Bradamante avec quelle ruse, avec quel artifice elle devait procéder si elle voulait délivrer Roger. « Quand tu serais — disait-elle — Pallas ou Mars, et quand tu aurais à ta solde plus de gens que n’en ont le roi Charles et le roi Agramant, tu ne résisterais pas au nécromant.

« Car, outre que la forteresse inexpugnable est entourée d’acier et si haute ; outre que son coursier s’ouvre un chemin au milieu des airs, où il galope et bondit, il possède l’écu mortel dont, aussitôt qu’il le découvre, la splendeur éblouit tellement les yeux, qu’elle aveugle et qu’elle s’empare des sens de telle sorte qu’il faut rester comme mort.

« Et si peut-être tu penses qu’il te suffira de