Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/85

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou l’estoc, tandis qu’il était loin et n’avait porté aucun coup.

Le destrier n’est pas un être imaginaire, mais bien naturel, car une jument l’engendra d’un griffon. De son père, il avait la plume et les ailes, les pieds de devant, la tête et les griffes. Dans tous ses autres membres, il était semblable à sa mère, et il s’appelait Hippogriffe. Ils proviennent, mais ils sont rares, des monts Ryphées, bien au delà des mers glaciales.

C’est de là que le nécromancien l’avait tiré par la force de ses enchantements. Dès qu’il l’eut en sa possession, il ne chercha point à en avoir d’autres, mais il opéra si bien qu’il l’accoutuma à la selle et à la bride, au bout d’un mois de soins et de fatigues. C’est ainsi qu’à terre et dans les airs, et en tous lieux, il le faisait manœuvrer sans résistance. Ce n’était donc pas un être fictif, produit, comme le reste, par enchantement, mais un animal naturel et véritable.

Toutes les autres choses provenant du magicien étaient une illusion ; il aurait fait paraître jaune ce qui était rouge. Mais il n’en fut pas de même avec la dame, qui, grâce à l’anneau, ne pouvait être abusée. Cependant elle prodigue au vent ses coups, et deçà delà pousse son cheval, et se débat et s’agite, ainsi qu’avant de venir elle avait été prévenue de le faire.

Puis, après qu’elle s’est escrimée quelque temps sur son coursier, elle met pied à terre afin de pouvoir mieux accomplir jusqu’au bout les instructions