Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/124

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Partout où se montre le paladin, chacun s’écarte et lui livre une large voie. Les fidèles se tiennent à l’écart, aussi bien que les Sarrasins, tellement la fameuse épée sait se faire respecter. Renaud ne voit plus devant lui que le malheureux Dardinel, et pousse droit à lui. Il lui crie : « Enfant, celui qui t’a légué cet écu, t’a fait un présent dangereux.

« Je viens à toi pour voir, si tu oses toutefois m’attendre, comment tu sauras défendre les quatre quartiers rouges et blancs, car si tu ne peux pas les défendre aujourd’hui contre moi, tu le pourras encore moins contre Roland. » Dardinel lui répond : « Apprends que si je porte cet écu, je sais aussi le défendre, et que les couleurs blanches et rouges, que je tiens de mon père, peuvent m’acquérir plus de gloire que m’attirer de dangers.

« Parce que je suis jeune, ne crois pas que tu me feras reculer, ou que je te céderai mon écu. Tu m’enlèveras la vie, si tu veux me prendre mes armes. Mais j’espère, avec l’aide de Dieu, que c’est le contraire qui arrivera. Quoi qu’il advienne, personne ne pourra dire que j’aie jamais forligné ma race. » Ce disant, il fond, l’épée à la main, sur le chevalier de Montauban.

Un frisson de terreur glace le sang des Africains jusqu’au fond du cœur, quand ils voient Renaud, plein de rage, se précipiter à la rencontre de leur prince, comme un lion qui a aperçu dans la prairie un jeune taureau encore insensible à