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Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/126

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Dans cette journée les Maures furent en si grand péril, que pas un seul ne faillit retourner en Paganie. Mais le sage roi d’Espagne se hàle de les rallier, et se retire avec ce qui lui reste sous la main. Il préfère accepter sa défaite et se retirer en sauvant une partie de son armée, que risquer de tout perdre en essayant de tenir encore.

Il dirige les enseignes vers ses logements qui sont entourés de remparts et de fossés, suivi de Stardilan, du roi d’Andalousie et des Portugais, réunis en forte colonne. Il envoie dire au roi de Barbarie de se retirer du mieux qu’il pourra, et que, s’il peut en ce jour sauver sa personne et son camp, il n’aura pas fait peu de chose.

Le roi qui se trouvait fort embarrassé lui-même et qui n’espérait plus revoir jamais Biserte, la fortune ne s’étant jamais montrée si cruelle et si brutale envers lui, se réjouit d’apprendre que Marsile a réussi à mettre en sûreté une partie de son armée. Il commence à opérer sa retraite, fait reculer les bannières et sonner le rassemblement.

Mais la plupart de ses gens, en pleine déroute, n’écoutent ni les trompettes, ni les tambours. Leur affolement, leur lâcheté sont tels, qu’on en vit bon nombre se noyer dans la Seine. Le roi Agramant veut les rallier ; il a avec lui Sobrin, et tous deux vont courant de côté et d’autre, et s’efforcent, avec l’aide des chefs, de regagner le camp en bon ordre.

Mais pas plus le roi que Sobrin, ni qu’aucun chef, ne peut parvenir, soit par prières, soit par me-