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Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/149

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pouvaient à chaque instant sortir sur des barques armées et attaquer le navire, qui, loin de pouvoir se défendre, avait peine à se maintenir à flot. Pendant que le patron était indécis, le duc d’Angleterre lui demanda ce qui causait son hésitation, et pourquoi il n’avait pas encore abordé au port.

Le patron lui répond que ces rivages sont occupés par des femmes homicides, dont l’antique loi ordonne de tuer ou de retenir en esclavage quiconque y aborde. Celui-là seul peut échapper à cette double alternative, qui, après avoir vaincu dix chevaliers en champ clos, peut, la nuit suivante, livrer assaut dans le lit à dix donzelles.

Quand bien même il aurait triomphé de la première épreuve, il est mis à mort s’il ne surmonte pas la seconde, et ses compagnons sont contraints à servir comme laboureurs ou gardeurs de troupeaux. Si, au contraire, il parvient à vaincre dans les deux cas, il obtient la liberté de tous les siens. Quant à lui, il est retenu prisonnier, et doit servir d’époux à dix femmes, choisies à son goût.

Astolphe ne peut s’empêcher de rire en apprenant l’étrange loi de ce pays. Surviennent Sansonnet, puis Marphise, Aquilant et son frère. Le patron leur raconte également le motif qui le retient loin du port. « J’aime mieux — ajoute-t-il — être englouti par la mer que subir le joug de la servitude. »

Les matelots, et tous les autres passagers, furent de l’avis du patron. Mais Marphise et ses compagnons furent d’un avis contraire, le rivage leur