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Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/167

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et enfants, après avoir emporté de chez elles tout ce qu’elles purent de pierreries et d’or. Cela se fit si secrètement, que personne en Crète ne soupçonna leur fuite.

« Le vent fut si propice, et l’heure si bien choisie par Phalante pour leur fuite, qu’ils étaient déjà très loin, quand on s’aperçut en Crète du dommage causé par leur fuite. Poussés par le hasard sur cette plage alors inhabitée, ils s’y arrêtèrent, et y jouirent en sûreté du fruit de leur rapt.

« Ils s’y livrèrent pendant dix jours à toute l’ardeur des plaisirs amoureux. Mais, comme il arrive souvent que la satiété amène l’ennui dans les cœurs juvéniles, ils furent tous d’accord pour vivre sans femmes et se débarrasser d’une telle charge. Il n’est pas en effet de fardeau plus lourd que d’avoir sur les bras une femme qui vous ennuie.

« Pour eux, qui étaient avides de gain et de rapines, et peu soucieux de faire de grosses dépenses, ils comprirent que pour subvenir à l’entretien de tant de concubines, il leur fallait autre chose que leurs arcs et leurs flèches. Aussi, abandonnant là les malheureuses, ils partirent en emportant leurs trésors, et se dirigèrent vers la Pouille, où j’ai entendu dire qu’ils bâtirent dans la suite la ville de Tarente, sur le bord de la mer.

« Les femmes, se voyant trahies par leurs amants en qui elles avaient la plus grande confiance, restèrent plusieurs jours dans un tel état d’abattement, qu’elles ressemblaient à des statues immobiles sur le rivage. Comprenant enfin que les