Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/177

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et on le mit seul en présence de dix guerriers. Il les tua tous sur place l’un après l’autre.

« La nuit suivante, il subit, seul et nu, l’épreuve des dix donzelles, et son audace eut un tel succès, qu’il put faire l’essai de toutes les dix. Cette prouesse lui acquit tellement les faveurs d’Orontée, qu’elle le prit pour gendre et lui donna Alexandra, ainsi que les neuf autres femmes avec lesquelles il avait fait ses preuves nocturnes.

« Elle laissa ensuite en héritage à lui et à la belle Alexandra, cette ville à laquelle celle-ci donna son nom, en lui imposant, ainsi qu’à tous ses successeurs, l’obligation de faire observer la loi suivante : tout étranger à qui sa mauvaise étoile ferait porter sur ces bords un pied aventureux, aurait le choix ou de se donner en sacrifice, ou de se mesurer, seul, contre dix guerriers.

« Et s’il advenait qu’il mît à mort les hommes, il devrait, la nuit suivante, subir l’épreuve des femmes. Si la fortune lui souriait encore assez pour lui permettre de sortir vainqueur de cette dernière lutte, il deviendrait le roi et le chef de cette nation de femmes, et en choisirait dix à son gré, avec lesquelles il régnerait, jusqu’à ce qu’un nouvel arrivant plus fort réussît à lui ôter la vie.

« Pendant deux mille ans, cette coutume impitoyable s’est maintenue, et elle se maintient encore ; peu de jours se passent sans qu’un malheureux voyageur soit égorgé dans le temple. Si quelqu’un, à l’exemple d’Elban, demande à combattre — et il s’en trouve quelquefois — il perd la plupart du