Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/208

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dans un piège, fit annoncer qu’il partait pour accomplir un vœu à Jérusalem.

« Il annonça qu’il partait, et partit en effet à la vue de tous et après avoir fait publier partout son départ. Personne, hormis sa femme, ne connaissait son dessein, car il se fiait à elle seule. Il ne revenait au château que pendant la nuit, à la faveur des ténèbres ; puis, à l’aurore, il sortait sous un déguisement, sans être vu de personne.

« Il s’en allait de côtés et d’autres, autour de son château, pour voir si le crédule Morand y viendrait, selon son habitude. Il se tenait caché dans la forêt, et quand il voyait le soleil se coucher dans la mer, il revenait au château, où son infidèle épouse l’introduisait par une porte secrète.

« Chacun, excepté l’indigne épouse, croyait Argée bien loin. Choisissant le moment opportun, elle va trouver mon frère, auprès duquel elle emploie un nouveau moyen. Un déluge de larmes s’échappe de ses yeux, car elle pleurait à volonté : “Où pourrai-je – disait-elle – trouver aide, afin que mon honneur ne soit pas entièrement perdu,

« Et avec le mien celui de mon mari ? Si ce dernier était ici, je n’aurais nulle crainte. Tu connais Morand ; tu sais qu’il ne craint, en l’absence d’Argée, ni les hommes, ni les dieux. Par ses prières, par ses menaces, il fait les plus grands efforts pour corrompre mes gens, afin de m’amener à satisfaire ses désirs, et je ne sais si je pourrai m’en défendre.