Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/210

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secrète entre nous ; mais aujourd’hui, mon infamie sera connue de tous.

« Il n’est pas besoin – dit Filandre – de tant de paroles pour que je sois prêt à me dévouer pour Argée. Tu peux me raconter ce que tu voudras ; ce que j’ai toujours été, je veux l’être à jamais ; et bien que je n’en aie reçu que du mal, je n’en accuse point Argée. Je suis prêt à mourir encore pour lui, dussé-je lutter contre le monde entier et courir à ma perte.

« L’impitoyable femme répondit : Je veux que tu immoles celui qui cherche à nous déshonorer. Ne crains pas qu’il t’en arrive aucun mal, car je te fournirai un moyen sûr d’accomplir cet acte. Il doit revenir près de moi vers la troisième heure, au moment où la nuit est la plus obscure, et dès que je lui aurai fait un signal convenu pour l’avertir que personne ne pourra le voir entrer.

« Il ne t’en coûtera pas beaucoup de te cacher auparavant dans ma chambre où il n’y aura pas de lumière, et d’y attendre que je lui aie fait quitter ses armes, et que je te le conduise presque nu à la portée de ta main. Ainsi l’épouse avait résolu de conduire elle-même son mari dans la tombe, si on peut donner le nom d’épouse à cette créature plus cruelle et plus félone qu’une Furie de l’enfer.

« La nuit néfaste venue, elle fait sortir mon frère de sa prison, lui place une épée dans la main, et le tient dans sa chambre, en pleine obscurité,