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Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/22

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taine et inégale de la lune, lorsque Orrile rentra dans sa tour, les deux sœurs, dont l’une est blanche et l’autre noire, ayant cru devoir suspendre la terrible bataille jusqu’à ce que le soleil eût de nouveau reparu sur l’horizon.

Astolphe, qui depuis longtemps avait reconnu Griffon et Aquilant à leurs armes et surtout à leurs coups terribles, s’empressa de les saluer avec courtoisie. Ceux-ci, reconnaissant dans le vainqueur du géant enchaîné, le chevalier du Léopard — c’est ainsi qu’à la cour on appelait le duc,— l’accueillirent avec non moins d’empressement.

Les dames conduisent alors les chevaliers se reposer dans leur palais qui était voisin. Des damoiselles, des écuyers, viennent à leur rencontre jusqu’à moitié chemin avec des torches allumées. Ils confient leurs destriers aux valets qui doivent en avoir soin, se débarrassent de leurs armes, et trouvent, au fond d’un beau jardin, une table servie, près d’une fontaine limpide et agréable. Ils font lier le géant avec une autre énorme chaîne, à un vieil arbre au tronc rugueux et que les plus fortes secousses ne pourraient rompre. Ils le donnent à garder à dix sergents d’armes, afin qu’il ne puisse se délier pendant la nuit, ni les assaillir pendant qu’ils sont sans défiance.

Devant l’abondante et somptueuse table dont la bonne chère fut le moindre attrait, les convives causèrent la plus grande partie du temps d’Orrile et de la merveilleuse faculté qu’il avait — ce qui semble un rêve à qui y pense — de remettre en