Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/267

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comme un clou avec lequel Amour lui perce et lui déchire le cœur. Il va roulant mille pensées en son esprit, et cherchant à se persuader qu’il se trompe, que c’est une autre qu’Angélique qui a gravé son nom sur l’écorce de ces arbres.

Puis il dit : « Je connais pourtant bien ces caractères ; j’en ai tant de fois vu et lu de semblables ! Elle a peut-être imaginé ce nom de Médor pour me désigner- sous un pseudonyme. » Par ces suppositions si éloignées de la vérité, et cherchant à se tromper lui-même, le malheureux Roland conserve quelque espérance qu’il ne tarde pas à chasser lui-même de son cœur.

Mais plus il cherche à étouffer ce soupçon mauvais, plus il le rallume et plus il le renouvelle, tel que l’imprudent oiseau qui est venu donner dans un filet ou qui s’est posé sur des gluaux, et qui s’embarrasse ou s’englue de plus en plus à mesure qu’il bat des ailes pour se délivrer. Roland arrive à un endroit où la montagne surplombe en forme de grotte au-dessus de la claire fontaine.

Les lierres et les vignes grimpantes en tapissent l’entrée de leurs lianes tordues. C’est là que les deux heureux amants avaient coutume de passer les heures les plus chaudes de la journée, enlacés dans les bras l’un de l’autre. Là, plus que dans aucun autre lieu des environs, se voient leurs noms, à l’intérieur et à l’extérieur, écrits tantôt au charbon, tantôt à la craie, ou gravés avec la pointe d’un couteau.

Le comte, plein de tristesse, met pied à terre en