Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/281

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Almon dit : « Puisqu’il a plu à Dieu — grâces lui en soient rendues — qu’Isabelle t’ait rejoint, je comprends très bien, mon seigneur, que je ne t’apporte aucune nouvelle. Je n’ai donc plus qu’à t’apprendre comment il se fait que tu vois ce traître ainsi lié avec nous, car ta compagne, qui a été la plus cruellement offensée, a dû te raconter toute l’histoire.

« Tu dois savoir comment, trompé par le traître, je m’éloignai de lui, et comment ensuite Corèbe fut blessé en défendant Isabelle. Mais ce qui s’est passé à mon retour n’a été ni vu ni entendu par cette dernière, et elle n’a pu te le dire ; c’est sur ce point-là que je vais te renseigner.

« Je m’en revenais en toute hâte de la ville vers la mer, avec des chevaux que j’avais trouvés, les regards sans cesse tendus pour voir si je ne découvrais pas ceux qui étaient restés derrière moi. J’arrive enfin sur le rivage, à l’endroit où je les avais laissés ; je regarde, et je ne vois rien, si ce n’est quelques traces encore fraîches sur le sable.

« Je suis cette piste qui me conduit dans un bois sauvage ; à peine y eus-je pénétré, que, guidé par des gémissements qui frappaient mon oreille, je retrouvai Corèbe gisant à terre. Je lui demandai ce qu’il était advenu de la dame et d’Odoric, et qui l’avait ainsi blessé lui-même. Dès que je sus la vérité, je me mis à courir après le traître, cherchant à travers tous ces ravins.

« Je tournai ainsi tout un jour, sans retrouver aucun vestige. Enfin je revins à l’endroit où gisait