Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/283

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félon, tu n’entendisses jamais plus parler d’elle. » Zerbin avait écouté Almon sans prononcer un seul mot et les yeux toujours fixés sur Odoric. Il éprouvait moins de haine contre lui que de chagrin de ce qu’une telle amitié eût fini si mal.

Après qu’Almon eut terminé son récit, Zerbin resta longtemps silencieux, tout épouvanté qu’un homme qui n’avait jamais failli dans d’autres occasions eût pu commettre une si manifeste trahison. Enfin, sortant de sa longue rêverie, il demanda en soupirant au prisonnier si tout ce que le cavalier avait dit de lui était vrai.

Le déloyal se laissa tomber, les deux genoux à terre, et dit : « Mon seigneur, tout homme en ce monde est sujet au péché et à l’erreur. La seule différence qui existe entre le bon et le méchant, c’est que l’un cède devant le plus petit désir qui vient l’assaillir, tandis que l’autre se défend et résiste, et ne succombe que si la séduction devient par trop forte.

« Si tu m’avais confié la défense d’un de tes châteaux, et qu’au premier assaut j’eusse, sans faire de résistance, laissé planter les bannières ennemies sur les remparts, j’aurais mérité d’être accusé de lâcheté ou, ce qui est plus grave, de trahison. Mais si je n’eusse cédé qu’à la force, je suis bien certain que, loin d’être blâmé, j’aurais acquis gloire et récompense.

« Plus l’ennemi est puissant, plus l’excuse de celui qui perd la bataille est acceptable. Je devais garder ma foi avec autant de souci qu’une forte-