Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/290

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les approprient, il grave sur le tronc verdoyant cette courte inscription : ARMURE DU PALADIN ROLAND, comme s’il eût voulu dire : Que personne n’y touche, s’il ne veut pas éprouver la colère de Roland.

Ce pieux devoir accompli, il se dispose à remonter sur son destrier, lorsque survient Mandricard. Celui-ci, voyant les superbes dépouilles suspendues au pin, le prie de lui dire ce que cela signifie. Zerbin lui raconte ce qu’on lui a rapporté à lui-même. Alors le roi païen tout joyeux s’avance sur-le-champ vers le pin et se saisit de l’épée,

Disant : « Personne ne m’en peut blâmer ; ce n’est pas d’aujourd’hui que cette épée est mienne, et je peux à bon droit en reprendre possession partout où je la trouve. Roland, qui n’osait la défendre, a simulé la folie et l’a jetée sur le chemin. Mais, parce qu’il excuse ainsi sa lâcheté, ce n’est pas une raison pour que je n’use pas de mon droit. »

Zerbin lui criait : « Ne la touche point, ou ne pense pas l’avoir sans combat. Si tu as eu ainsi les armes d’Hector, tu les as volées, et tu ne les possèdes pas légitimement. » Sans plus rien se dire, ils courent l’un sur l’autre, avec une ardeur égale, avec le même courage. La bataille commence à peine, et déjà l’air retentit de cent coups.

Preste comme une flamme, Zerbin évite Durandal partout où elle tombe. Deçà, delà, il fait sauter son destrier comme un daim, aux endroits où la place lui semble le plus favorable. Et bien