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Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/296

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passera sans doute par ici et, mû de pitié, leur donnera une même sépulture. » Ainsi disant, elle recueille de ses lèvres décolorées, le souffle vital que la mort va ravir ; elle attend jusqu’à ce qu’il en reste le moindre vestige.

Zerbin, renforçant sa voix débile, dit : « Je vous prie et vous supplie, ô ma déesse, par cet amour que vous me.témoignâtes quand vous abandonnâtes pour moi le rivage paternel, et si je puis ordonner, je vous ordonne de vivre pendant tout le temps qu’il plaira à Dieu. N’oubliez pas, quoi qu’il arrive, que je vous ai aimée autant qu’on peut aimer.

« Dieu vous enverra sans doute un protecteur pour vous préserver de toute mauvaise rencontre, comme il fit quand il conduisit le sénateur romain à la caverne pour vous en arracher. Ainsi sa bonté vous a secourue jadis sur mer et contre l’infâme Biscayen. Et s’il advient que par la suite vous deviez mourir, alors vous pourrez choisir la mort la plus douce. »

Ces dernières paroles furent prononcées si bas qu’à peine, je crois, elles purent être entendues. Zerbin s’éteignit comme une lumière vacillante à qui la cire ou tout autre aliment contenu en elle vient à manquer. Qui pourra dire la douleur de la jeune fille, quand elle vit son cher Zerbin rester pâle, immobile et froid comme glace enlre ses bras ?

Elle se jette sur le corps sanglant et le baigne de larmes abondantes. Ses cris font retentir à plusieurs milles les bois et la campagne. Elle dé-