Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/59

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Le chevalier répondit : « La belle fête se reproduira désormais toutes les quatre lunes. Celle-ci est la première de toutes, et jamais on n’en a encore donné de semblable. Elle est fondée en mémoire de la délivrance de notre roi, dont la vie fut miraculeusement sauvée en un pareil jour, après quatre mois passés dans les angoisses et les pleurs, et la mort devant les yeux.

« Mais pour vous raconter plus à fond cette histoire, je vous dirai que notre roi, qui s’appelle Norandin, avait, depuis de longues années, le cœur enflammé pour la charmante fille du roi de Chypre, qui surpasse toute autre belle. Ayant fini par l’obtenir pour femme, il s’en revenait avec elle, en compagnie de dames et de chevaliers, et se dirigeait droit vers la Syrie.

« Nous étions déjà loin du port, voguant à pleines voiles sur l’orageuse mer des Carpathes, lorsque nous fûmes assaillis par une si horrible tempête qu’elle épouvanta notre vieux pilote lui-même. Trois jours et trois nuits nous errâmes sur les ondes menaçantes, poussés de côté et d’autre. Nous abordâmes enfin, harassés de fatigue et les vêtements trempés d’eau, sur une terre aux rives fraîches, aux collines ombreuses et verdoyantes.

« Tout joyeux, nous fîmes déployer les tentes et les courtines entre les arbres ; on apprêta les feux et les cuisines, et des tapis nous servirent de tables. Pendant ce temps, le roi parcourait les vallées voisines et fouillait les parties les plus secrètes