Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/100

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CHANT XXIX


Argument. — Triste fin de l’ermite. Isabelle, pour conserver sa chasteté, amène par une pieuse ruse Rodomont à lui trancher la tête. Le païen construit un pont étroit sur le fleuve voisin, et fait prisonnier les chevaliers qui y arrivent, ou les tue ; il place leurs armes comme un trophée sur la tombe d’Isabelle. Arrive en cet endroit Roland qui se prend de querelle avec Rodomont, le jette dans le fleuve, et donne de nombreuses preuves de sa folie.



Oh ! que l’esprit de l’homme est débile et peu stable ! comme nous sommes prompts à varier dans nos résolutions ! toutes nos pensées changent facilement, surtout celles qui naissent d’un amoureux dépit. J’avais vu jusque-là le Sarrasin dépasser tellement la mesure dans son ressentiment contre les femmes, que loin de penser que sa haine pût s’éteindre, je ne croyais pas qu’il dût jamais l’adoucir.

Gentes dames, j’ai été si irrité par tout ce qu’au mépris du devoir il a dit à votre blâme, que je ne lui pardonnerai pas avant d’avoir montré, par son propre châtiment, dans quelle erreur il était tombé. Je ferai de telle sorte, avec ma plume et mon encre, que chacun verra qu’il est utile et bon de se taire, voire de se mordre un peu la langue, plutôt que de dire du mal de vous.

Mais qu’il ait parlé comme un ignorant ou comme un sot, une claire expérience vous le dé-