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Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/104

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nant, et je sais où je puis la trouver — qui, bouillie avec du laurier et de la rue sous un feu de bois de cyprès, et pressée par des mains innocentes, donne une liqueur dans laquelle quiconque s’est baigné trois fois, voit son corps acquérir une dureté telle qu’il est à l’épreuve du fer et du feu.

« Je dis que si on s’y baigne trois fois, on devient invulnérable pendant un mois. Il faut répéter chaque mois l’opération, car la vertu de cette liqueur ne va point au delà. Je sais la faire, et je la ferai encore aujourd’hui, et vous en verrez la preuve vous-même. Elle peut, si je ne me trompe, vous être plus utile que la conquête de toute l’Europe.

« En échange, je vous demande de me jurer sur votre foi que, ni en paroles ni en fait, vous ne chercherez plus jamais à porter atteinte à ma chasteté. » Par ces paroles, elle fit revenir Rodomont à des pensées plus honnêtes ; et il désirait tellement devenir invulnérable, qu’il lui promit beaucoup plus qu’elle ne lui avait demandé.

Il lui dit qu’il la respecterait jusqu’à ce qu’il lui eût vu faire l’épreuve de cette eau admirable, et qu’il veillerait, pendant ce temps, à ce qu’il ne lui échappât aucun mouvement, aucun signe de violence. Mais il comptait bien ne pas tenir le pacte, car il n’avait crainte ni respect de Dieu ou des saints, et, comme manque de foi, toute la trompeuse Afrique lui aurait cédé le pas.

Le roi d’Alger fit à Isabelle plus de mille serments de ne plus la molester, afin qu’elle pût tra-