Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/103

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Elle prend en son âme la résolution de se donner la mort de sa propre main, avant que le cruel barbare n’accomplisse son dessein, et plutôt que de manquer si indignement à ce chevalier que le sort impitoyable avait fait mourir dans ses bras et auquel elle avait, dans sa pensée, fait à tout jamais le sacrifice de sa chasteté.

Elle voit l’appétit aveugle du roi païen croître sans cesse, et elle ne sait que faire. Elle comprend bien qu’il veut en venir à l’acte déshonnête contre lequel toute défense sera inutile. Cependant, à force de chercher, elle trouve le moyen de parer à ce danger et de sauver sa chasteté, ainsi que je vais vous le dire tout au long et clairement.

Au brutal Sarrasin, qui déjà s’approchait d’elle avec des propos et des gestes dépouillés de toute la courtoisie qu’il avait montrée dans ses premières paroles, elle dit : « Si vous m’assurez qu’auprès de vous je n’aurai rien à craindre pour mon honneur, je vous donnerai en échange une chose qui vous profitera beaucoup plus que de m’avoir ravi l’innocence.

« Pour un plaisir de si peu d’instants et dont il y a une telle abondance en ce monde, ne repoussez pas une perpétuelle satisfaction, une joie véritable à nulle autre seconde. Vous pourrez retrouver cent et mille dames au visage agréable ; mais personne au monde ne pourrait vous faire le même don que moi, ou du moins bien peu de gens le pourraient.

« Je connais une herbe — et je l’ai vue en ve-