Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/115

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Garamantes adorent Jupiter Ammon,ou près des monts où le grand Nil prend sa source, il n’aurait pu avoir la peau plus brûlée.

Ses yeux étaient quasi cachés dans sa tête ; il avait la figure maigre et décharnée comme un os, la chevelure inculte, hirsute et en désordre, la barbe épaisse, épouvantable, hideuse. À peine Angélique l’eut-elle vu, qu’elle s’empressa de tourner bride, toute tremblante. Toute tremblante et emplissant le ciel de ses cris, elle se retourna pour chercher secours auprès de son compagnon.

Dès que Roland, dans sa folie, l’eut aperçue, il se leva d’un bond pour la saisir, tellement son gracieux visage lui plut, et tellement l’appétit lui en vint subitement. De l’avoir tant aimée et respectée, aucun souvenir ne restait plus en lui ; il court derrière elle, à la façon d’un chien qui poursuivrait une bête fauve.

Le jouvenceau qui voit le fou poursuivre sa dame, le heurte avec son cheval, et le frappe en même temps juste au moment où il lui tourne le dos. Il croit lui séparer la tête du buste ; mais la peau était dure comme un os, et, à vrai dire, plus que l’acier. Roland en effet était né complètement invulnérable.

Roland, se sentant frapper par derrière, se retourne, et en se retournant, il serre le poing ; avec cette force qui dépasse toute mesure, il frappe le destrier du Sarrasin. Il le frappe sur la tête et, comme s’il était de verre, il la brise et tue le cheval. Puis il s’élance de nouveau sur les traces de celle qui fuyait devant lui.