Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/116

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Angélique chasse sa jument en toute hâte ; elle la presse du fouet et de l’éperon. Il lui semble que si elle pouvait voler aussi vite qu’une flèche, elle irait encore trop lentement. Soudain, elle se rappelle l’anneau qu’elle a au doigt et qui peut la sauver. Elle le porte à sa bouche, et l’anneau, qui n’avait rien perdu de sa vertu, la fait disparaître comme une lumière qu’un souffle éteint.

Soit qu’elle eût peur que la jument ne trébuchât, soit qu’elle fît un faux mouvement en changeant l’anneau de place,— je ne puis affirmer quel est le vrai — au moment même où elle plaça l’anneau dans sa bouche, et où elle rendit ainsi invisible son beau visage, elle leva la jambe, vida les arçons et se trouva à la renverse sur le sable.

Il s’en fallut de deux doigts qu’elle ne fût atteinte par le fou, qui, dans le choc, lui eût ôté la vie. Elle fut, en cette occurrence, grandement favorisée par la fortune. Cependant elle cherche le moyen de se procurer une autre monture, ainsi qu’elle a fait déjà, car elle ne peut plus songer à ravoir jamais celle qu’elle vient de quitter, et qui galope sur le rivage, poursuivie par le paladin.

Ne doutez point qu’elle ne sache se pourvoir, et suivons Roland, dont l’impétuosité et la rage augmentent en voyant Angélique disparaître. Il poursuit la jument sur le sable nu, et en approche toujours de plus en plus. Déjà il la touche et, la saisissant par la crinière, puis par la bride, il s’en rend enfin maître.

Le paladin s’en empare avec la même joie qu’un