Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/13

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de connaître ceux par qui était mise à mort cette bête qui avait jeté l’épouvante et le deuil en tant de contrées. Bien que leurs noms fussent inscrits sur le marbre, ils ne leur étaient point connus. Ils s’interrogeaient mutuellement, demandant que celui d’entre eux qui connaîtrait cette histoire voulût bien la dire aux autres.

Vivian, se tournant enfin vers Maugis qui les écoutait tous sans rien leur répondre : « À toi — dit-il — de nous raconter cette histoire que tu connais, à ce que je vois. Quels sont ces gens qui, à coups de flèches et de lances, ont mis l’animal à mort ? » Maugis répondit : « C’est une histoire dont aucun auteur n’a pu jusqu’ici avoir connaissance.

« Sachez que ceux dont les noms sont écrits sur ce marbre n’ont pas encore existé en ce monde. Ils vivront seulement dans six cents ans d’ici, pour le grand honneur des siècles futurs. Merlin, le savant enchanteur de Bretagne, construisit cette fontaine, au temps du roi Arthus ; il y fit sculpter, par de bons artistes, les événements à venir.

« Cette bête cruelle sortit du fond de l’enfer, à l’époque où des bornes furent posées dans les champs, où l’on commença à se servir de poids et de mesures, et à passer les engagements par écrits. Mais tout d’abord elle n’envahit pas le monde entier. Elle laissa intactes un grand nombre de contrées. De notre temps, elle porte le trouble en beaucoup de pays, s’attaquant au populaire et à la tourbe vile.