Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/132

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l’usage antique : en dehors de toute convention, celui qui frappait le cheval de son adversaire, encourait une éternelle honte et un blâme général.

Ils se frappèrent à la visière qui était double, et qui, malgré cela, eut peine à résister à une telle furie. Les coups se succèdent l’un après l’autre ; les bottes sont plus serrées que la grêle qui brise et dépouilie les branches des arbres, et détruit la moisson désirée. Vous savez si Durandâl et Balisarde coupent, et ce qu’elles valent en de telles mains.

Mais ils ne portent pas encore de coups dignes d’eux, tant l’un et l’autre se tiennent sur leurs gardes. C’est Mandricard qui fit la première blessure dont le brave Roger faillit recevoir la mort. D’un de ces grands coups, comme les chevaliers de ce temps savaient en porter, il fend en deux l’écu de son adversaire, lui ouvre la cuirasse, et son glaive cruel pénètre dans sa chair vive.

L’âpre coup glace le cœur dans Ia poitrine des assistants, dont la majeure partie, sinon tous, manifestaient leurs préférences et leur sympathie pour Roger. Et si la Fortune se prononçait selon le vœu de la majorité, Mandricard serait déjà mort ou prisonnier. C’est pourquoi le coup porté par lui fait frémir tout le camp.

Je crois qu’un ange dut intervenir pour sauver le chevalier de ce coup. Roger, plus terrible que jamais, riposte sur-le-champ. Il dirige son épée sur la tête de Mandricard ; mais l’extrême colère qu’il éprouve soudain le fait se presser tellement,