Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/131

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On leur lace en tête les casques reluisants, et on leur remet leurs lances. Puis la trompette donne le signal qui fait pâlir les joues à plus de mille spectateurs. Les chevaliers mettent la lance en arrêt et, donnant de l’éperon dans les flancs de leurs coursiers, ils viennent avec une telle impétuosité à la rencontre l’un de l’autre, que le ciel semble s’abîmer et la terre s’entr’ouvrir.

De l’un et de l’autre côté, on voit s’avancer l’oiseau blanc qui soutient Jupiter dans les airs, ainsi qu’on le vit plus d’une fois jadis en Thessalie, mais avec d’autres ailes. Chacun des deux champions montre son ardeur et sa force dans le maniement des massives antennes. Sous le choc terrible, ils sont plus inébranlables que la tour battue des vents ou l’écueil fouetté par les vagues.

Les éclats de leur lance volent jusqu’au ciel. Turpin, très véridique en cette circonstance, raconte que deux ou trois de ces éclats, qui étaient parvenus jusqu’à la sphère du feu, en retombèrent tout enflammés. Les chevaliers avaient saisi leur épée, et, comme des gens peu accessibles à la peur, ils revinrent l’un sur l’autre. Tous deux se frappèrent à la visière de la pointe du glaive.

Ils se frappèrent tout d’abord à la visière. Ils ne songèrent pas, pour se démonter, à donner la mort aux chevaux, ce qui aurait été une mauvaise action, car les pauvres bêtes ne sont pas cause de la guerre. Celui qui penserait qu’ils agissaient ainsi par suite d’une convention conclue entre eux, se tromperait beaucoup et ne connaîtrait pas