Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/134

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Roger ne s’arrête pas ; il pousse son cheval, et frappe Mandricard au flanc droit. La finesse et la trempe de l’armure de ce dernier ne peuvent rien contre l’épée de Roger qui ne frappe point vainement et qui n’a pas besoin d’autre preuve pour montrer qu’elle est véritablement enchantée, puisque les cuirasses ni les cottes de mailles enchantées ne peuvent résister à ses coups.

Elle taille tout ce qu’elle touche et blesse au flanc le Tartare qui blasphème le ciel et frémit d’une colère telle, que la mer soulevée par la tempête est moins effrayante à voir. Il s’apprête à déployer toutes ses forces ; plein de dédain, il jette loin de lui l’écu sur lequel est peint l’oiseau blanc et saisit son glaive à deux mains.

« Ah ! — lui dit Roger — cela seul suffit à prouver que tu n’es pas digne de porter cet emblème, puisque tu le jettes après l’avoir taillé en deux. Tu ne pourras désormais plus dire qu’il t’appartient. » Il dit, et il n’a que le temps d’apercevoir Durandal qui descend sur son front avec une telle furie et d’un poids si lourd, que le choc d’une montagne lui paraîtrait plus léger.

L’épée lui fend la visière par le milieu — heureusement pour lui qu’elle ne touche pas le visage — ; puis elle retombe sur l’arçon qui ne peut résister, bien qu’il soit doublé d’acier. Le fer atteint le cuissard, l’entr’ouvre comme de la cire, ainsi que l’étoffe qui le recouvre, et blesse si gravement Roger à la cuisse qu’il fut longtemps ensuite à en guérir.

Un double filet de sang rougit les armes des