Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/137

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même, bien qu’elle pleurât son amant pâle et inanimé, aurait peut-être suivi l’exemple des autres, si un dur frein de vergogne ne l’avait retenue.

Je dis que peut-être — mais sans l’affirmer — elle aurait pu être inconstante, telle était la beauté, tels étaient le mérite, les manières et la prestance de Roger. Quant à elle, d’après ce que nous avons déjà vu, elle était si facile à changer de sentiments, que, pour ne pas rester sans amours, elle aurait très bien pu porter son cœur à Roger.

Mandricard vivant lui convenait fort bien, mais qu’en aurait-elle fait une fois mort ? Il lui fallait se pourvoir d’un amant qui nuit et jour fût vaillant et fort à la besogne. Cependant le médecin le plus expérimenté de la cour n’avait pas tardé à accourir. Après avoir examiné chaque blessure de Roger, il avait répondu de sa vie.

Le roi Àgramant fit promptement coucher Roger sous sa propre tente ; nuit et jour il veut l’avoir devant les yeux, tellement il l’aime et tellement il s’intéresse à lui. Le roi fait suspendre aux pieds de son lit l’écu et toutes les armes qui ont appartenu à Mandricard, excepté Duranidal, qui est laissée au roi de Séricane

Avec les armes, les autres dépouilles de Mandricard sont données à Roger. On lui donne aussi Bride-d’Or, ce bel et brave destrier que Roland avait abandonné dans sa fureur. Roger l’offre en présent au roi, pensant que ce don lui serait très agréable. Mais laissons tout cela, et revenons à