Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/136

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l’erreur générale, et qui avait plus d’une fois passé des pleurs au rire, levait les mains au ciel et rendait grâce à Dieu de ce que le combat eût eu une semblable fin.

Mais quand on vit manifestement lequel des deux était vivant et lequel était mort, il se fit un grand changement dans l’esprit des assistants ; ceux qui étaient joyeux devinrent tristes. Le roi, les seigneurs et les chevaliers les plus renommés, qui s’affligeaient déjà de la mort de Roger, poussèrent des cris d’allégresse, coururent l’embrasser, exaltant sa gloire et. son mérite.

Chacun se réjouit de la victoire de Roger ; chacun pense et parle de même à ce sujet. Seul, Gradasse nourrit un sentiment contraire à celui qu’il laisse paraître. Son visage rayonne de joie, mais en lui-même il envie la gloire acquise par Roger, et maudit le sort qui a fait sortir ce nom le premier de l’urne.

Que dirai-je de la faveur, des caresses aussi affectueuses que sincères, dont le roi Agramant combla Roger ! Il ne voulut pas lever le camp, ni retourner sans lui en Afrique. C’est en vain qu’il est entouré de tant de braves chevaliers. Depuis que Roger a vaincu et mis à mort le fils d’Agrican, il ne se fie plus qu’à lui, et fait plus de cas de lui que de l’univers entier.

Ce n’était pas seulement les hommes qui étaient ainsi disposés en faveur de Roger, mais aussi les dames qui avaient suivi sur le territoire des Francs les troupes d’Afrique et d’Espagne. Doralice elle-