Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/143

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CHANT XXXI


Argument. — Funestes effets de la jalousie. — Combat de Renaud et de Guidon le Sauvage. Ce dernier est reconnu et se joint à la troupe des guerriers de Montauban qui, réunis aux forces dont dispose Charles, fait un grand carnage des Maures. — Brandimart va avec Fleur-de-Lys sur les traces de Roland, et arrive au petit pont construit par Rodomont dont il devient prisonnier. — L’armée des Sarrasins se retire à Arles.



Quel état serait plus doux, plus agréable que celui d’un cœur amoureux ; quelle vie serait plus heureuse, plus fortunée que celle que l’on passerait en servage d’amour, si l’homme n’était sans cesse tourmenté de ce soupçon funeste, de cette crainte, de ce martyre, de cette frénésie, de cette rage qu’on appelle jalousie ?

Cependant, quelle que soit l’amertume qui se glisse dans cette suavissime douceur, elle ne fait qu’augmenter la force ou aiguiser la finesse de l’amour. La soif fait paraître l’eau bonne et savoureuse, et c’est grâce à la faim que l’on apprécie les aliments. Celui-là ne connaît point la paix et en ignore le prix, qui n’a pas d’abord éprouvé ce que c’est que la guerre.

On supporte paisiblement de ne point voir avec les yeux ce que le cœur voit toujours ; plus on reste éloigné de ce qu’on aime, plus le retour.