Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/144

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quand il s’effectue, apporte de soulagement. Servir sans récompense se peut accepter, pourvu que l’espérance ne soit pas morte, car le prix d’un fidèle servage finit toujours par venir, quelque tard qu’il vienne.

Le souvenir des dédains, des refus, et finalement de tous les martyres, de toutes les peines d’amour, fait que l’on goûte mieux un plaisir quand il arrive. Mais si cette infernale peste vient à infester un esprit malade, elle l’affaiblit et l’empoisonne au point que, s’il survient par la suite une occasion de joie et d’allégresse, l’amant n’en a plus souci, et ne l’apprécie pas.

Voilà la plaie cruelle, empoisonnée, que ne peuvent guérir ni les liqueurs ni les drogues, ni les grimoires, ni les inventions des sorcières, ni la longue observation des astres bienfaisants, ni tout l’art magique dont Zoroastre est l’inventeur. Voilà la plaie qui fait plus souffrir que toute autre douleur, et qui conduit l’homme au désespoir et à la mort.

Ô plaie incurable qui s’attache aussi facilement au cœur d’un amant sur un faux que sur un vrai soupçon ! Plaie qui accable si cruellement l’homme, qu’elle lui offusque la raison et l’intelligence, et le rend si dissemblable à ce qu’il était auparavant ! ô jalousie inique, comme tu as, bien à tort, enlevé toute joie à Bradamante !

J.e ne parle pas de l’impression amère que le récit d’Hippalque et de son frère lui avait laissée au cœur, mais d’une nouvelle aussi cruelle