Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/166

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déjà lu ailleurs — que ce roi désirait avoir la bonne Durandal à son côté, et chevaucher ce coursier accompli. Il était jadis venu en France pour cela à la tête de cent mille hommes d’armes. Il avait alors défié Renaud au combat, pour la possession de ce cheval.

Et il s’était rendu sur le rivage de la mer où la bataille devait avoir lieu ; mais Maugis en faisant partir malgré lui son cousin qu’il avait embarqué sur un navire, était venu tout déranger. Il serait trop long de dire toute l’histoire. Depuis ce jour, Gradasse avait tenu le gentil paladin pour lâche et couard.

Maintenant que Gradasse apprend que c’est Renaud qui a assailli le camp, il s’en réjouit. Il revêt ses armes, il monte sur son cheval et s’en va cherchant son ennemi à travers l’obscurité. Autant de guerriers il rencontre, autant il en couche à terre, frappant indifféremment de sa bonne lance les gens de France ou de Libye.

Il va de çà de là, cherchant Renaud, l’appelant de sa voix la plus forte, et se portant toujours vers les endroits où il voit le plus de morts amoncelés. Enfin ils se trouvent en face l’un de l’autre l’épée à la main, car leurs lances avaient été brisées en mille morceaux, et les éclats en avaient volé jusqu’au char constellé de la Nuit.

Quand Gradasse reconnaît le vaillant paladin, non à son enseigne, mais aux coups terribles qu’il porte, ainsi qu’à Bayard qui semble à lui seul être maître de tout le camp, il se met sans retard à lui