Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/216

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et qui avait rejoint l’endroit où l’attendaient les trois chevaliers. C’étaient ceux que la lance d’or avait, la veille, jetés bas de leurs destriers, et qui avaient, à leur grand déplaisir, supporté toute la nuit la pluie, le vent et l’orage.

Ajoutez à cela qu’eux et leurs chevaux étaient restés à jeun, battant des dents et des pieds dans la boue. Leur mauvaise humeur s’augmentait encore de la crainte de voir la messagère raconter dans leur pays qu’ils avaient été abattus par la première lance qui s’était trouvé sur leur chemin en France.

Résolus à mourir ou à tirer sur-le-champ vengeance de l’outrage qu’ils ont reçu, afin que la messagère, appelée Ullania — j’avais oublié de vous la nommer — revienne sur la mauvaise opinion qu’elle pourrait peut-être avoir conçue de leur courage, ils défient au combat la fille d’Aymon, dès que celle-ci se montre hors du pont-levis.

Ils ne se doutent en aucune façon qu’elle est une damoiselle, car rien dans ses allures ne le dénote. Bradamante, en personne pressée de continuer sa route et qui ne veut point s’arrêter, refuse le combat. Mais ils la pressent tellement qu’elle ne peut refuser plus longtemps sans encourir le blâme. Elle abaisse sa lance, et, en trois coups, elle les envoie tous les trois à terre. C’est ainsi que finit le combat.

Puis, sans se retourner, elle leur montre de loin les épaules. Les chevaliers, qui étaient venus de pays si lointains pour conquérir l’écu d’or, se relèvent