Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/229

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mais Dieu seul qu’il te faudra louer, car c’est lui qui a dirigé mon vol ici pour venir à ton aide.

« Adresse tes vœux à Dieu ; c’est à lui qu’ils sont dus ; c’est à lui qu’il te faut bâtir les églises et élever les autels. » Ainsi parlant, ils allaient tous les deux vers le château, entourés d’illustres barons. Le roi ordonna à ses serviteurs de préparer sur-le-champ le banquet, espérant que, cette fois, les mets ne lui seraient pas enlevés des mains.

Aussitôt, un banquet solennel est préparé dans une riche salle. Le duc Astolphe s’y asseoit seul avec Sénapes, et l’on apporte les mets. Soudain, voici que dans les airs on entend un bruit strident, produit tout alentour par d’horribles ailes ; voici venir les Harpies monstrueuses et malfaisantes, attirées des profondeurs du ciel par l’odeur des viandes.

Elles étaient sept en une seule bande. Elles avaient toutes un visage de femme, pâle, décoloré, amaigri, exténué par un long jeûne, et plus horrible à voir que la mort. Elles avaient de grandes ailes informes et rugueuses ; les mains rapaces armées d’ongles aigus et recourbés ; le ventre énorme et fétide ; la queue longue, noueuse et tordue comme celle du serpent.

On les entend venir dans l’air et presque en même temps on les voit s’abattre toutes sur la table, s’emparer des mets et renverser les vases. Leur ventre laisse échapper une liqueur tellement infecte, qu’on est obligé de se boucher le nez, car il serait