Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/230

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impossible de supporter la puanteur qu’elles répandent. Astolphe, saisi de colère, tire son épée contre les oiseaux gloutons.

Il les frappe, l’un au cou, l’autre sur le dos, celui-ci à la poitrine, celui-là sur l’aile ; mais il semble que le fer atteigne un sac d’étoupes ; le coup est amorti et ne produit aucun résultat. Les Harpies ne laissèrent ni un plat ni une coupe intacts ; elles ne quittèrent. pas la salle avant d’avoir tout dévoré ou gâté.

Le roi avait conçu la ferme espérance que le duc chasserait les Harpies. Maintenant qu’il n’a plus d’espoir, il soupire, gémit et reste accablé. Le duc se souvient alors du cor qu’il porte, et.qui vient à son aide dans les cas périlleux. Il pense que ce moyen est le meilleur pour chasser les monstres.

Avant de s’en servir, il fait boucher avec de la cire les oreilles du roi et de ses barons, afin que, lorsque le cor retentira, ils ne prennent point la fuite hors de la ville. Il saisit la bride de l’hippogriffe, saute sur les arçons et prend le cor enchanté. Puis il fait signe au maître d’hôtel de faire remettre la table et les mets.

On apprête une autre table et d’autres mets, et soudain apparaissent les Harpies, qui se livrent à leur besogne accoutumée. Astolphe souffle aussitôt dans le cor, et les oiseaux, qui n’ont point l’oreille bouchée, ne peuvent résister au son ; saisis de peur, ils fuient, et n’ont plus souci de nourriture ni d’autre chose.