Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/250

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Là, Astolphe éprouva un double étonnement, ce fut de voir si grande cette région qui, vue de nos campagnes terrestres, semble une petite assiette ; puis, en regardant en bas, de n’apercevoir que difficilement la terre et les mers qui l’entourent. Le manque de lumière faisait qu’en effet on la distinguait à peine.

Les fleuves, les lacs, les campagnes sont, là-haut tout autres que ceux qu’on voit chez nous. Les plaines, les vallées, les montagnes sont toutes différentes. Il en est de même des cités et des châteaux. Le paladin n’avait jamais rien vu jusqu’alors, et depuis ne vit jamais rien de si beau. Il y a de vastes et sauvages forêts, où les nymphes chassent éternellement les bêtes fauves.

Le duc ne s’arrêta pas à examiner tout ce qu’il voyait, car il n’était point venu pour cela. Le saint Apôtre le conduisit dans un vallon resserré entre deux montagnes. Là, ô merveille ! était rassemblé tout ce qui se perd par notre faute, ou par la faute du temps ou de la Fortune. Tout ce qui se perd ici-bas se retrouve là-haut.

Je ne parle point des royaumes, ou des richesses que la roue mobile de la Fortune bouleverse, ni de ce que celle-ci n’a pas le pouvoir d’enlever ou de donner. Là-haut sont accumulées les réputations que le temps dévore à la longue comme un ver rongeur ; les prières et les vœux que nous, pécheurs, nous adressons à Dieu.

Les larmes et les soupirs des amants, le temps inutilement perdu au jeu, la longue oisiveté des