Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/253

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dire le bon sens. Il y en avait là une montagne aussi grande à elle seule que toutes les autres choses réunies.

C’était comme une liqueur subtile, prompte à s’évaporer si on’ne la tient pas bien close. On la voyait recueillie dans des fioles de formes variées, plus ou moins grandes, faites pour cet usage. La pfus grande de toutes contenait le bon sens du seigneur d’Anglante., devenu fou. Astolphe la distingua des autres en voyant écrit dessus : Bon sens de Roland.

Sur toutes les autres était pareillement écrit le nom de ceux dont elles renfermaient le bon sens. Le duc français vit ainsi une grande partie du sien. Mais ce qui l’étonna le plus, ce fut de voir qu’un grand nombre de gens qu’il croyait posséder beaucoup de bon sens, avaient là une grande partie du leur.

Les uns l’avaient perdu par l’amour, les autres par l’ambition ; d’autres en courant sur mer après les richesses ; d’autres en mettant leur espérance sur des princes ; d’autres en ajoutant foi aux sottises de la magie ; ceux-ci en se ruinant pour des bijoux ou des ouvrages de peinture ; ceux-là en poursuivant d’autres fantaisies. Un grand nombre de sophistes, d’astrologues, avaient là leur bon sens ; et il.y avait aussi celui de beaucoup de poètes.

Astolphe reprit le sien, ainsi que le lui permit l’auteur de l’obscure Apocalypse. Il mit sous son nez la fiole qui le contenait, et la respira tout entière. Turpin convient qu’à partir de ce moment,