Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/275

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culté de se faire connaître. Elle lui répond : « Je ne refuse pas de combattre contre vous, mais j’aurais volontiers voulu un autre adversaire. »

« Et lequel ? » dit Ferragus. Elle répond : « Roger. » Et elle peut à peine prononcer ce nom. Sur sa belle figure, se répand soudain la couleur de la rose. Puis elle répond : « Sa fameuse renommée m’a fait venir ici. Je ne désire pas autre chose, sinon d’éprouver ce qu’il vaut dans une joute. »

Elle dit simplement ces paroles où quelques-uns de mes lecteurs ont déjà peut-être trouvé matière à malice. Ferragus lui répond : « Si tu veux, nous verrons d’abord qui de nous deux l’emporte en vigueur. S’il m’advient le même sort qu’aux autres, je t’enverrai ensuite, pour me consoler de ma déconvenue, le gentil chevalier avec lequel tu parais avoir un tel désir de jouter. »

Tout en parlant, la donzelle avait la visière levée. En voyant ce beau visage, Ferragus se sent à moitié vaincu. Taciturne, il se dit en lui-même : « Il me semble que je vois un ange du Paradis. Avant que sa lance m’ait touché, je suis déjà terrassé par ses beaux yeux. »

Les adversaires prennent du champ. Comme il était arrivé pour les autres, Ferragus est enlevé de selle tout net. Bradamante rattrape son destrier et dit : « Retourne et fais ce que tu as dit. » Ferragus, tout honteux, s’en revient et va trouver Roger qui était auprès d’Agramant. Il lui fait savoir que le chevalier l’appelle au combat.