Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/284

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cheval ; ceux qui sont désarmés revêtent leurs armes ; les trompettes sonnent de toutes parts, et leur voix claire et belliqueuse semble dire : Que chacun coure à sa bannière ! De leur côté, les tympans et les timballes réveillent cavaliers et fantassins.

L’escarmouche dégénère en une mêlée aussi féroce et aussi sanglante qu’on puisse se l’imaginer. La vaillante dame de Dordogne, furieuse de voir échapper l’occasion, si désirée par elle, de donner la mort à Marphise, porte ses pas de côté et d’autre, cherchant à apercevoir Roger pour lequel elle soupire.

Elle le reconnaît à l’aigle d’argent que le jouvenceau porte sur son écu azuré. Elle s’arrête pour regarder, des yeux et de la pensée, ses épaules, sa poitrine, son élégante tournure et ses mouvements pleins de grâce. Puis, s’imaginant dans son grand dépit qu’une autre jouit de tout cela, elle se sent prise de fureur et dit :

« Donc, une autre baise ces belles et si douces lèvres, alors que moi je ne le puis ? Non, il ne sera point vrai qu’une autre te possédera désormais ; tu ne dois appartenir à personne, puisque tu n’es pas à moi. Plutôt que de mourir seule de rage, je veux que tu meures avec moi, de ma main. Si je te perds en ce monde, au moins l’enfer te rendra à moi, et tu seras avec moi pour l’éternité.

« Puisque c’est toi qui me tues, il est bien juste que tu me donnes le courage de me ven-