Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/29

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Mandricard et Roger s’étaient déjà battus une autre fois rien que pour ce motif. Comment ils avaient été séparés par hasard, je n’ai pas à le dire ici. Sachez seulement que, depuis ce moment, ils ne s’étaient pas encore rencontrés. Mandricard, aussitôt qu’il vit l’écu, se mit à pousser des cris hautains et à menacer Roger en lui disant : « Je te défie !

« Ce sont mes armoiries que tu portes, téméraire. Ce jour n’est pas le premier où je te l’ai dit. Et tu crois, fou que tu es, que parce que je t’ai épargné une fois, je le supporterai encore aujourd’hui ! Puisque ni les menaces ni les ménagements n’ont pu t’enlever cette folie de la tête, je te montrerai combien c’eût été pour toi un meilleur parti de m’avoir obéi sur-le-champ. »

De même que le bois sec et bien échauffé s’enflamme subitement au moindre souffle, ainsi s’allume l’indignation de Roger au premier mot qu’il entend de cette menace. « Tu crois — dit-il — m’intimider d’un signe, parce que je suis en contestation avec cet autre. Mais je te montrerai que je suis bon pour arracher à lui Frontin et à toi le bouclier d’Hector.

« Une autre fois, il est vrai, j’en suis venu aux mains avec toi pour ce motif, et il n’y a pas encore longtemps de cela. Mais je me retins alors de te tuer, parce que tu n’avais pas d’épée au flanc. Ce qui n’était qu’une menace va devenir un fait accompli. Cet oiseau blanc t’attirera malheur, car, dès l’antiquité, il sert d’armoiries à ma race ; tu