Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/30

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l’as usurpé, et moi je le porte à juste titre. »

« C’est toi, au contraire, qui as usurpé mes armoiries, » répond Mandricard ; et il tire son épée. C’était celle que, peu auparavant, Roland, dans s’a folie, avait jetée par la forêt. Le brave Roger, qui ne pouvait en aucune circonstance se départir de sa courtoisie, laissa tomber sa lance sur le chemin, quand il vit que le païen avait tiré l’épée.

En même temps il saisit Balisarde, la bonne épée, et assujettit son écu à son bras. Mais l’Africain pousse son destrier entre les deux adversaires, suivi de Marphise. Les prenant chacun à part, ils les prient de ne point en venir aux mains. Rodbmont se plaint que Mandricard ait deux fois rompu le pacte qu’ils ont fait ensemble ;

La première fois, s’imaginant conquérir Marphise, il s’était arrêté pour rompre plus d’une lance. Maintenant, pour disputer à Roger une devise, il montre peu de souci du roi Agramant. « Si, cependant—ajoute-t-il — tu veux continuer à agir de cette façon, terminons d’abord notre propre querelle. Elle est plus juste et plus pressée qu’aucune de celles que tu t’es faites depuis.

« C’est à cette condition qu’une trêve a été conclue entre nous d’un commun accord. Quand j’en aurai fini avec toi, je ferai raison à celui-ci au sujet du destrier. Pour toi, si tu sors de mes mains la vie sauve, tu lutteras avec lui pour ton bouclier. Mais je te donnerai, j’espère, une telle besogne, que Roger n’aura plus grand’chose à faire. »