Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/296

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Quand son frère en vint à lui dire que le père, l’aïeul et l’oncle d’Agramant avaient fait périr Roger par trahison, et qu’ils avaient exposé sa femme sur mer, elle ne put s’empêcher de l’interrompre et de lui dire : « Mon frère, avec ta permission, tu as eu bien tort de ne point venger la mort de ton père.

« Si tu ne pouvais te baigner dans le sang d’Almonte et de Trojan, morts déjà depuis longtemps, tu devais te venger sur leurs fils. Pourquoi, toi vivant, Agramant vit-il encore ? C’est là une tache que tu devrais avoir sans cesse devant les yeux, à savoir qu’après tant d’offenses, non. seulement tu n’as pas mis ce roi à mort, mais que tu vis à sa solde, au milieu de sa cour.

« Je fais serment à Dieu — car je veux adorer le vrai Christ qu’adora mon père — de ne plus quitter cette armure, avant d’avoir vengé Roger et ma mère. Ce sera une douleur pour moi si je te vois plus longtemps parmi les escadrons du roi Agramant, ou d’un autre seigneur maure, si ce n’est les armes à la main pour leur grand dam. »

Oh ! comme à ces paroles la belle Bradamante relève la tête ; comme elle s’en réjouit ! Elle engage Roger à faire ce que Marphise vient de lui dire. Qu’il vienne trouver Charles, qu’il se fasse connaître à l’empereur qui honore, estime et révère la mémoire illustre de son père Roger, et qui l’appelle encore le guerrier sans pareil !

Roger lui répond doucement qu’il aurait dû agir tout d’abord ainsi ; mais qu’alors il ne con-