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Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/52

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Cette épée avait été ravie au malheureux Almonte, aux bords d’une fontaine près d’Aspromonte, par Roland, tout jeune encore.

En la voyant, Gradasse fut convaincu que c’était cette épée si fameuse du seigneur d’Anglante, pour la possession de laquelle il avait équipé la plus grande flotte qui eût jamais quitté le Levant, conquis le royaume de Castille, et vaincu la France peu d’années auparavant. Mais il ne put comprendre par quel hasard Mandricard l’avait actuellement en sa possession.

Il lui demanda si c’était par force ou par traité qu’il l’avait enlevée au comte, où et quand. Mandricard lui dit qu’il avait soutenu une grande bataille avec Roland, pour avoir cette épée, et que celui-ci avait feint d’être fou, « espérant ainsi, ajouta-t-il, dissimuler la peur que lui inspirait la lutte qu’il aurait eue à soutenir contre moi, tant qu’il aurait gardé l’épée. »

Il dit qu’il avait imité le castor qui se coupe lui-même les parties génitales, à l’aspect du chasseur, car il sait qu’on ne le recherche pas pour autre chose. Gradasse ne l’écouta pas jusqu’à la fin ; il dit : « Je ne veux la donner ni à toi, ni à d’autres. Pour elle, j’ai dépensé tant d’or, j’ai supporté tant de fatigues, j’ai exterminé tant de gens, qu’elle m’appartient à bon droit.

« Songe à te munir d’une autre épée, car je veux celle-ci, et cela ne doit pas t’étonner. Que Roland soit sage ou fou, j’entends m’en emparer partout où je la retrouve. Toi, tu l’as volée sans témoin