Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/64

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dame, cause de leur différend, doive rester à l’un au détriment de l’autre.

Il s’avise à la fin d’un moyen qui lui paraît le meilleur et qui en effet satisfait les deux amants ; c’est de donner pour mari à la belle dame celui qu’elle choisira elle-même. Quand elle aura prononcé, on ne pourra plus revenir en arrière, ni passer outre. Le compromis plaît à l’un et à l’autre, car chacun d’eux espère que le choix lui sera favorable.

Le roi de Sarze aimait Doralice bien longtemps avant Mandricard, et celle-ci lui avait accordé toutes les faveurs permises à une dame honnête. Il se flatte que le choix qui peut le rendre heureux tombera sur lui. Il n’est pas seul à concevoir cette croyance, car toute l’armée sarrasine pense comme lui.

Chacun connaissait les exploits qu’il avait déjà accomplis pour elle dans les joutes, dans les tournois, dans les combats. Tous disent qu’en acceptant un tel arrangement Mandricard s’abuse et se trompe. Mais celui-ci, qui a passé plus d’un bon moment en tête-à-tête avec Doralice, pendant que le soleil était caché sous terre, et qui sait les chances certaines qu’il a en main, se rit du vain jugement du populaire.

Les deux illustres rivaux ratifient leur convention entre les mains du roi, puis on va trouver la donzelle, et elle, abaissant ses yeux pleins de vergogne, avoue que c’est le Tartare qui lui est le plus cher. Tous restent stupéfaits, et Rodomont