Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/65

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en est si étonné, si éperdu, qu’il n’ose lever le front..

Mais quand la colère a chassé cette honte qui lui a envahi le visage, il traite la décision d’injuste et de non avenue. Saisissant son épée qui pend à son côté, il s’écrie, en présence du roi et des autres, qu’il entend que ce soit elle qui gagne sa cause ou la lui fasse perdre, et non l’arbitrage d’une femme légère, toujours portée vers ce qu’elle doit faire le moins.

Mandricard est déjà debout, disant : « Qu’il en soit comme tu voudras. Avant que ton navire entre au port, il aura à parcourir une longue traite sur l’Océan. » Mais Agramant donne tort à Rodomont et déclare qu’il ne peut plus appeler Mandricard au combat pour cette querelle. Il fait ainsi tomber sa fureur.

Rodomont, qui se voit en un même jour atteint d’un double affront devant tous ces seigneurs, l’un venant de son roi auquel il doit céder par respect, l’autre venant de sa dame, ne veut pas rester un instant de plus dans ces lieux. Parmi ses nombreux serviteurs, il se contente d’en prendre deux avec lui, et il s’éloigne des logements mauresques.

De même que le taureau, obligé d’abandonner la génisse au vainqueur, s’éloigne plein de dépit, fuit loin des pâturages, et cherche dans les forêts et sur les rives les plus solitaires les endroits arides qu’il ne cesse de faire retentir jour et nuit de ses mugissements, sans pouvoir calmer l’amoureuse rage ; ainsi, terrassé par sa grande dou-