Aller au contenu

Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/78

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il se rappela avoir oublié la petite croix qu’il avait mise la veille au soir sous son oreiller. Hélas ! se dit-il en lui-même, comment trouverai-je excuse acceptable pour que ma femme ne croie pas que l’amour infini qu’elle me porte m’est de peu de prix ?

« Il cherche une excuse ; puis il lui vient à l’esprit que cette excuse ne sera ni acceptable ni bonne s’il envoie un familier ou un autre de ses gens, et s’il ne va pas s’excuser en personne. Il s’arrête et dit à son frère : « Va doucement jusqu’à Baccano, où est la première auberge. Moi, je suis obligé de rentrer à Rome et je te rejoindrai en chemin.

« Un autre ne pourrait faire ma besogne. Ne doute pas que je ne te rejoigne bientôt. » Et faisant faire volte-face à sa monture, il la mit au trot, en disant : adieu ! et sans vouloir qu’aucun de ses gens le suivît. Lorsqu’il passa le fleuve, l’obscurité commençait à fuir devant le soleil. Il monta dans sa demeure, alla droit au lit, et trouva sa femme profondément endormie.

« Sans dire mot, il lève la courtine et voit ce qu’il s’attendait le moins à voir : sa chaste et fidèle épouse étendue sous la couverture entre les bras d’un jouvenceau. Il reconnut sur-le-champ celui qui avait commis l’adultère, car il était depuis longtemps de son entourage. C’était un jeune garçon, élevé par lui, d’humble naissance, et dont il avait fait un de ses familiers.

« S’il resta étonné et mécontent, mieux est de