Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/124

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outre la blessure dont j’ai déjà parlé, il lui en a fait d’autres au visage, à la gorge, en pleine poitrine.

Gradasse est désespéré de se voir tout couvert de son propre sang, tandis que Roland, après avoir reçu tant de coups, est intact, de la tête aux pieds. Il lève son épée à deux mains, et il croit bien, cette fois, lui fendre la tête, la poitrine, le ventre et tout le reste. Il frappe le comte au front, juste à l’endroit où il a voulu l’atteindre.

Tout autre que Roland aurait été fendu, en deux jusqu’à la selle. Mais comme si Gradasse n’avait frappé que du plat de son épée, celle-ci rebondit, aussi luisante, aussi nette qu’avant. Roland, étourdi sous le coup, en vit, quoique forcé de regarder la terre, mille étoiles. Il lâcha la bride, et aurait laissé tomber son épée, si elle n’avait été attachée à son bras par une chaîne.

Le cheval qui portait Roland sur son dos fut tellement épouvanté du bruit que produisit l’horrible coup, qu’il se mit à fuir sur l’arène poudreuse, montrant combien il était bon à la course. Le comte, ayant perdu connaissance par suite de la commotion qu’il a éprouvée, n’a pas la force de le retenir. Gradasse le poursuit, et il l’aurait bientôt rejoint pour peu qu’il eût pressé Bayard.

Mais, en regardant autour de lui, il voit le roi Agramant dans le plus extrême péril. Le fils de Monodant l’a saisi par le casque avec son bras gauche, le lui a délacé par devant, et cherche à le frapper à la gorge avec son poignard. Le roi ne